[#1] Comprendre les "Strokes Gained"

Mesurer honnêtement son jeu avec une approche statistique

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la majorité des golfeurs sont mauvais pour apprécier de la qualité d’un coup qu’ils viennent de jouer. On se plaint d’un drive toppé qui roule 180m, ou d’une approche qui finit à 15m du drapeau.

Le système de strokes gained est une approche statistique qui permet de mesurer de façon objective la qualité d’un coup de golf. Il n’est même pas nécessaire d’entendre le contact ou de voir la balle voler. C’est une méthode très utile en particulier pour mesurer les compartiments de jeu entre eux, pour déduire les points forts de notre jeu, mais surtout ce qui mérite d’être travaillé à l’entrainement.

L’histoire

La paternité du systeme de strokes gained (abbrégé en “SG” ensuite) est souvent attribuée à Mark Broadie , l’auteur du livre Every Shot Counts publié en 2014 et professeur de finance à l’université de Columbia à NY. En réalité, un systeme similaire (Shot By Shot) a été développé en 1989 par Peter Sanders, qui travaillait dans le domaine de l’assurance, qui a utilisé ses compétences en gestion du risque et analyses de données pour construire un indicateur solide pour l’analyse d’un joueur de golf.

Les premiers calculs de strokes gained

La donnée à l’origine

Le concept peut sembler difficile, avec beaucoup de chiffres et de jargon mais je vous assure qu’il est beaucoup plus facile à appréhender qu’il n’y parait, pour n’importe qui qui déciderait d’y investir 5 minutes (comme vous vous allez le faire 😉 )

A la base du concept il n’y a que deux variables:

  • La distance au trou

  • Le lie (fairway, rough, bunker)

A partir de ces deux paramètres, on peut mesurer empiriquement en moyenne combien de coups il faut pour un joueur pour terminer le trou. La seule différence avec les pars 3,4 ou 5 que l’on connait c’est que dans le système SG, il peut exister des décimales (3,28 coups ou bien 4,23 par exemple). Voila ci-dessous les statistiques pour le PGA Tour, mesuré sur la période 2003-2010 sur 8 millions de coups (les distances sont en yards, pour rappel 1 yard = 0,91 mètres)

Comment lire ce graphique ? Prenons une approche de 100 mètres dans le fairway, après un bon drive sur un par 4. En moyenne un joueur professionnel terminera en 2,8 coups. Parfois en 2 (birdie), souvent en 3 (par), et rarement en pire.

Quelques éléments intéressants à noter:

  • La courbe monte très vite au début, surtout depuis le fairway. 10 metres n’ont pas la même valeur entre 30 et 40 qu’entre 150 et 160.

  • Il y a un point d’inflexion net vers 200 yards, lorsqu’on commence à quitter le territoire des fers et qu’on arrive sur les bois de parcours. Peut être la dispersion liée au manque de spin ? ou bien la capacité à arrêter la balle plus vite sur le green ?

  • La courbe n’est pas une droite. Donc le nombre de coups attendus n’est pas totalement proportionnel à la distance

  • Le nombre de coups attendus est systématiquement plus élevé depuis le rough que depuis le fairway. Ce n’est pas une surprise (notamment compte tenu des rough en tournoi..) mais c’est intéressant de voir que l’écart entre les deux n’est pas constant.

Ces données sont issues du PGA Tour. Même si elles sont parfaitement adaptées pour vous expliquer le concept SG, elles le sont moins pour une comparaison directe avec votre jeu.

Sachez que d’autres systemes (tel que Arccos ou ShotScope) ont accès a des millions de coups enregistrés par les joueurs et donc disposent de tables légèrement différentes, et aussi de versions par handicap (10 15 20 etc.). En effet, il est beaucoup plus réaliste pour un amateur de putter comme un joueur professionnel que de driver comme un joueur professionnel (on en parlera un jour). En conséquence, les tables de SG ne sont pas tout à fait proportionnelles entre les niveaux non plus

Comment calculer les strokes gained ?

Notez que pour l’exemple ci-dessous j’ai pris le soin de convertir les yards en mètres, donc les valeurs ne seront pas tout à fait identiques au graphique vu juste avant.

Nous avons la donnée brute, et nous connaissons les 2 hypothèses nécessaires (rappel: distance et lie). A partir de là, comment calculer les strokes gained ?

C’est simple, en 4 étapes:

  1. Il suffit se savoir combien de coups il nous faut pour finir depuis la ou notre balle est actuellement (distance, lie) grâce au graphique ci dessus. On va appeler ce chiffre “X”.

  2. Jouer le coup

  3. Savoir combien de coups il faut pour finir depuis la ou notre balle est arrivée, toujours en se référant au graphique ci dessus. On appellera ce chiffre “Y”

  4. Faire la soustraction, X-Y, et enlever 1 pour prendre en compte le coup joué. Nous avons le résultat de la qualité de notre coup.

    • Si le résultat est positif, alors le coup était bon car ils nous à “enlevé” les coups.

    • Si le résultat est négatif alors le coup était mauvais, et il nous a “rajouté” des coups.

Prenons pour exemple un joueur “A” sur un par 4 de 420 mètres. A cette distance, le score moyen est de 4,17 coups.

  1. Le joueur fait un drive de 280 mètres, ce qui le laisse à 140m du drapeau

  2. Ensuite, depuis 140m il place son approche sur le green à 6m du drapeau.

  3. Le premier putt est mauvais et s’arrête à 2m du drapeau.

  4. Le deuxième putt rentre, c’est un par.

Analyse du premier coup

Le drive du premier joueur était très bon, le score probable au départ est de 4,17, comme pour tout le monde. Apres le drive, ce joueur est à 140m du drapeau, sur le fairway. A cette distance, on s’attend a faire 2,95 coups. Il a donc “progressé” de 4,17 à 2,95, donc progressé de 1,22 coups (4,17 - 2,95 = 1,22) en ne tapant qu’une seule fois la balle. Le joueur à donc gagné 0,22 coups (1,22 - 1 = 0,22) grâce à sa mise en jeu.

Analyse du deuxieme coup

La balle est à 140m sur le fairway. On s’attend à faire 2,95 coups (cf le calcul précédent). Ensuite, lecoup d’approche le place a 6m du drapeau, distance depuis laquelle un joueur finit en 1,87 coups. On passe donc de 2,95 à 1,87 soit une progression de 1,08 (2,95 - 1,87 = 1,08 ) en ayant encore une fois tapé un coup. C’est donc un gain de 0,08 coups sur l’approche. C’est une approche légèrement au dessus de la moyenne.

Analyse du troisième coup (premier putt)

Le premier putt part de 6m ((1,87 coups attendus) pour finir a 2m (1,23 coups attendus depuis cette distance). C’est donc une progression de 1,87-1,23 soit 0,64, mais en ayant dépensé un coup. Donc 0,64-1 = -0,36, soit 0,36 coups perdus a cause de ce mauvais putt.

(c’est un putt si mauvais que tout l’avantage gagné sur le drive et l’approche (0,22 + 0,08 = 0,3) a été perdu sur ce mauvais putt)

Analyse du quatrième coup (deuxième putt)

Enfin, le dernier putt a 2m (on s’attend à 1,23 coups de cette distance) est rentré directement. Pas de soustraction de “coups attendus” à faire ici car la balle finit dans le trou. Il reste juste a soustraire le coup effectué.

1,23-1 = 0,23, ce deuxième putt de 2m rentré fait gagner 0,23 coups à notre joueur.

Au final

  1. Drive = +0,22 SG, une très bonne mise en jeu

  2. Approche : +0,08 SG, une approche correcte pour un joueur de ce niveau

  3. Putting = -0,36+0,23 = -0,13. Dans l’ensemble, un putting sous la moyenne.

Si on additionne le tout, 0,22 + 0,08 -0,13 = 0,17.

Rappelez-vous au départ, compte tenu de la taille de ce par 4 on s’attendait à le faire en 4,17. Le joueur a fait le par, et a donc logiquement gagné 0,17 coups. On retombe sur nos pattes. Cependant, grâce à la décomposition on peut se rendre compte qu’un très bon driving à été la clé pour compenser le mauvais putting, et que l’approche n’a au final pas changé grand chose dans la réalisation de ce score.

Maintenant imaginez que vous puissiez mesurer ça pour chaque coup de golf que vous jouez sur une partie, une saison, ou plusieurs années. C’est un atout significatif pour mesurer objectivement ses points forts et faibles, et identifier les zones de progression. Si vous avec déjà un SG positif au putting, votre temps précieux sera mieux dépensé au practice ou au wedging, ou vice-versa.

Conclusion

J’espère que ma promesse de simplicité a été tenue et que je ne vous ai pas perdus en route. Le système de strokes gained est un moyen très puissant et qui est souvent référencé par les joueurs/commentateurs/analystes/coachs. Il n’est pas parfait (et nous en parlerons dans une prochaine newsletter) mais il est devenu l’unité de mesure de la performance pour le golf à haut niveau, et il devrait le devenir pour quiconque veut progresser.

J’ai tenu à en parler dans ma première newsletter car il permet de poser des fondations solides pour ensuite construire des analyses plus détaillées sur des secteurs de jeu en particulier.